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Passion Vénitienne
30 juin 2009

Histoires d'amour de nos régions.

Aquitaine.

Bertran de Born, le champion de la guerre.

On est au Moyen Age, en 1140, en pleine lutte des fils de Henri II Plantagenêt pour le trône. Bertran de Born, seigneur de Hautefort, issu de la petite noblesse du Limousin, côtoie les rois et les princes et se mêle des affaires militaires et politiques. Il prend le parti du fils aîné de Henri II, qui meurt, puis soutient le cadet, Richard Coeur-de-Lion, contre Philippe Auguste, roi de France. Il joue les dissensions chez les Plantagenêt afin de garder son indépendance.

Contraint d'aller s'humilier publiquement devant la famille de ses suzerains lorsqu'elle se réconcilie, il poursuit sa tâche, attise par en dessous.

Il est grand, large, haut en couleur. Il chante d'une voix de stentor pour semer la discorde, polémiquer et railler ses pairs, de l'ironie dans chaque mot. Il aime la guerre, il la chante comme il chante sa terre: "Ne croyez pas que je fasse des mots à vendre" Mais selon les usages féodaux de cette région, il n'est pas seul seigneur de Hautefort, il l'est conjointement avec son frère dont il se débarresserait bien. Cette lutte est au coeur de sa poésie. Bien avant l'amour, accessoire pour lui, il n'aime chanter que les batailles, l'âme guerrière, le choc des épées, des boucliers, le cheval qui hennit et se cabre dans l'odeur du sang versé. La plainte des blessés. Lutter pour sa terre, vaincre et devenir puissant. Eventuellement s'emparer de l'héritage de son frère. Tout le reste est sans importance. Il mène une vie pleine de sauvagerie, de combats et de cruauté, pille et viole sans vergogne. Alors chanter pour les femmes....Sauf s'il y est obligé, bien sûr, comme devant son suzerain. Et c'est le cas. La fille de celui-ci, qu'il n'a jamais remarquée, une petite maigrelette d'un blond filasse, toujours les yeux baissés, les genoux serrés, quel intérêt? Il n'aime que les gaillardes à la croupe lourde, au décolleté avantageux. Et voilà que de sa voix fluette elle lui demande de chanter, non pas une honnête chanson de bataille mais un chant d'amour courtois, à lui, Bertran de Born, le champion de la guerre. La peste soit des jouvencelles!! Mais après un regard prudent à son suzerain, il s'exécute. Robe d'azur, voile d'argent, tout ce qu'il exècre, elle est enveloppée comme une tourte dont elle n'a pas les rondeurs. Bertran pousse un soupir. Il entame une balade qu'il trouve stupide mais qui fait se pâmer les femmes. Il chante sans penser à ce qu'il dit pour en finir au plus vite. Elle écoute sans un mot, sans une mimiques ridicules que les femmes affectionnent. Bertran craint le pire, elle va lui en réclamer une autre. Il a pourtant pris la plus niaise. Celle où le chevalier désepéré part au combat pour mourir, sa belle se refusant à lui. Mais voilà, elle ne bronche pas. La cour applaudit longuement, avec enthousiasme, sauf elle. Elle vrille littéralement son regard dans le sien. Jamais vu des yeux pareils, pense-t-il. "Je préfère un chant de guerre, de celles que vous avez vécues" Le père s'affole: "Mais ma fille..." Elle ne cède pas. "C'est ma fête, je veux de Bertran un chant de guerre, père" Et le père s'incline. Que peut-on faire d'autre devant une telle détermination?

Bertran est médusé, la regarde. Elle est maigre, sans contestation possible, mais quel feu!! Le diable est en elle!! Et sans s'en rendre compte, il chante, il chante pour elle, les yeux dans les yeux, il lui fait vivre ses batailles, cette douleur, un coup d'épée qui le tiraille, les hommes agonisants, les chevaux à abattre. Il chante et sa voix s'est adoucie, il pleure la souffrance des hommes, et les yeux de la jeune fille s'embuent. Il en est heureux comme il ne pensait pas pouvoir l'être, Bertran.

Une jouvencelle. On applaudit, il s'agenouille devant elle, et elle lui offre sa longue écharpe d'azur, comme ses yeux qui contiennent tout le ciel. Et Bertran l'ours, le troubadour de guerre, est amoureux comme un enfant, il le lui dit: "Je porterai vos couleurs, ma dame!"

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