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Passion Vénitienne
13 novembre 2009

Histoires d'amour de nos régions.

Bretagne.

La Fontenelle, Ar Bleiz "le Loup".

La Fontenelle, surnommé Ar Bleiz "le Loup", est un brigand de grand chemin, né vers 1575 et de petite noblesse, qui profite de la guerre civile qui s'étend de France vers la Bretagne pour mettre le pays à feu et à sang. A la tête de quatre cents cavaliers, il pille châteaux et villages. Il s'attaqueIl s'attaque au manoir de Mezarnou, à peine remis d'un pillage, et qui n'est plus que ruine. Il n'y a plus rien au manoir, ni meuble, ni boiserie, ni bétail, que la dame du manoir, seule; mais elle a une fille de huit ans, Marie Le Chevoir, son héritière. La Fontenelle, dépité devant le dénuement de la dame qui n'a plus un seul bijou, s'empare de Marie, sa fille.

Qu'espère-t-il ainsi? Une rançon? Se venger? Nul ne le sait. Mais il enlève la petite fille sur son cheval et l'emporte. Sa mère crie, sa nounou crie, les servantes implorent, toutes pleurent, sauf Marie. Elle regarde le bel homme solide qui la serre dans ses bras, droit dans les yeux, et lui déclare: " Vous serez obligé de m'épouser". Ar Bleiz éclate d'un formidable éclat de rire. Longtemps qu'il n'a pas ri autant. La gamine lui plaît. Peut-être vais-je t'épargner fillette?" "Je ne suis pas une fillette, répond-t-elle du tac au tac, et bientôt je serai une femme et je vous choisirai comme époux"

Ar Bleiz, le Loup, avec regret mais fermeté, la dépose au couvent. "Je vous la confie, ma mère, faites-en une dame". La mère supérieure s'incline et s'empare fermement du poignet de la fillette qui se débat. "Mais je veux rester avec vous" lui dit-elle, en s'accrochant à la selle. "Je vais là où le danger m'appelle, fillette". "J'irai aussi, je n'ai pas peur, je vous aiderai". Emu comme il ne l'a jamais été, le Loup pose un baiser rapide sur le front de Marie. Elle lève hardiment le visage et lui effleure les lèvres. Le galop emporte son au revoir. "Adieu Marie, sois sage et devient belle". Et il disparaît dans les bois.

Enfermée dans le couvent, Marie doit accepter ce que sa nature rétive refuse. Ne pas asperger d'eau ses voisines, ne pas rire aux éclats, ne pas se coucher nue, ne pas courir en relevant ses jupes. Ne pas soupeser ses seins pour voir s'ils deviennent enfin lourds. Elle surveille chaque jour, se désole de sa platitude, de ses jambes grêles, de ses hanches à peine esquissées. Elle prie comme on rage. Et harangue Dieu pour qu'il la fasse sortir. Les années passent, le printemps arrive avec ses 14 ans. Elle a ce qu'elle espérait: une taille fine, une gorge pleine et un regard qui ne plie jamais. Mais on semble l'avoir oubliée dans son couvent. Personne ne sait qu'elle est là, au secret, à part lui. Lui, dont elle rêve chaque nuit depuis 6 ans. Qu'elle attend sans jamais se lasser. Elle sait qu'il va venir. Elle en a la conviction absolue. Ce sera un matin très tôt? Un soir, dans le crépuscule de la lumière?

Ce sera un matin, alors que tout le monde dort encore. L'homme qui se tient dans la cour de l'abbaye est plutôt gros et lourd. Il s'annonce. Marie a soudain peur. A-t-il pu tant changer en six ans? Non, c'est impossible. On lui sert victuailles, eau coupée de vin, pain chaud. Marie tremble. Il rote, et annonce qu'il est le serviteur du seigneur. Elle respire.

" Le seigneur de la Fontenelle est derrière moi et il vient chercher la demoiselle", dit-il encore. Ar Bleiz le Loup s'avance, droit, élégant, ses cheveux sont argentés mais il a la même morgue. Ils se regardent droit dans les yeux. Il sent le cheval, elle a encore sa robe de novice. Le prêtre dans le jardin pose une main sur la bible, au-dessus de leurs têtes, et elle dit "oui". Il l'emporte sur son cheval. Il lui apprend à tenir une arme, à se battre, à monter à cru. A galoper à la tête des hommes. A ne jamais se plaindre. Elle met au monde leur enfant dans les bois. Elle est devenue une louve. Comme lui.

Lorsque la police du roi le captura, lui, le Loup, elle ne pleura pas. Il fut roué en place de grève. Et la dernière chose qu'il entendit, ce fut le chant de la louve, beau et long, qui lui disait son amour.

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